Souffrances en France - La banalisation de l'injustice sociale by Dejours Christophe

Souffrances en France - La banalisation de l'injustice sociale by Dejours Christophe

Auteur:Dejours, Christophe [Dejours, Christophe]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Essai, France, Psychanalyse, Société
Éditeur: Blondie - La Gang
Publié: 2014-07-13T22:00:00+00:00


La virilité, c’est tout autre chose que la dimension de l’intérêt économique, personnel ou égoïste, dont on croit si souvent qu’il est le motif de l’action malveillante selon, encore une fois, le modèle de l’Homo œconomicus, agent mû par le calcul rationnel de ses intérêts. Cette dernière proposition est fausse. Il s’agit dans l’analyse que nous proposons d’une dimension rigoureusement éthique des conduites, manipulée par des ressorts proprement psychologiques et sexuels. L’abolition du sens moral passe par l’activation du choix relevant de la rationalité pathique, contre des choix relevant de la rationalité morale-pratique. La rationalité stratégique ne constitue pas, ici, une référence de premier plan, dans la genèse des conduites de virilité.

Le triomphe de la rationalité stratégique sur la rationalité morale n’est pas direct, dans le cas présent, mais passe par une médiation : le déclenchement d’un conflit entre rationalité pathique et rationalité morale-pratique, qui permet la suspension du sens moral, ou plutôt son retournement, au profit d’une rationalité paradoxale inversée par rapport aux valeurs. Ce qui relève en propre du stratégique, c’est la manipulation de ce conflit entre les deux autres rationalités. Cette analyse remet en cause l’explication de l’économique par l’économique et du sociologique par le sociologique. Il y a toujours des chaînons intermédiaires omis par ces analyses. Ces derniers se situent du côté de la rationalité pathique, qui fait l’objet d’un déni traditionnel dans toutes les théories, comme si n’existaient que des acteurs sociaux et des sujets éthiques, mais pas de sujets psychologiques. Exclure la dimension de la souffrance subjective des analyses philosophiques et politiques n’est pas tenable théoriquement.

Faire référence à une rationalité pathique ne consiste pas à effectuer un retour au psychologisme. Le psychologisme consiste à interpréter les conduites humaines dans les sphères privée, sociale et politique, à partir de la seule dimension psychologique et affective ; à faire de la sociologie une vaste psychologie. Dans le recours à la rationalité pathique, il ne s’agit plus de comprendre les conduites sociales et morales, incohérentes au regard des rationalités morales-pratiques et instrumentales, comme le résultat d’un processus psychopathologique plus ou moins névrotique. Il s’agit au contraire d’analyser les conséquences d’un conflit de rationalités. Le point de vue défendu ici ne consiste pas à conclure que la psychologie a le dernier mot dans la banalité du mal. Bien au contraire ! La banalité du mal ne relève pas de la psychopathologie, mais de la normalité, même si cette normalité a pour caractéristique d’être funeste et sinistre.

La question qui se pose, c’est comment la rationalité éthique peut perdre son poste de commandement, au point d’être non pas effacée mais inversée. Il y a bel et bien conservation, ici, du sens moral, mais ce dernier fonctionne sur la base d’un retournement des valeurs, qui relève en propre de l’éthique, même si le pathique y est convoqué.

Pourquoi la philosophie morale ne s’est-elle pas attaquée au problème de la virilité ? Pourquoi la philosophie politique ne s’est-elle pas préoccupée du problème de la virilité ?

À mon sens, c’est parce que la philosophie,



Télécharger



Déni de responsabilité:
Ce site ne stocke aucun fichier sur son serveur. Nous ne faisons qu'indexer et lier au contenu fourni par d'autres sites. Veuillez contacter les fournisseurs de contenu pour supprimer le contenu des droits d'auteur, le cas échéant, et nous envoyer un courrier électronique. Nous supprimerons immédiatement les liens ou contenus pertinents.